Pendant vingt ans, j’ai travaillé, en tant que cinéaste, au rythme de 24 images par seconde et aujourd’hui, je réalise une image par mois. L’image prend désormais le temps de sa matérialisation et de sa maturation.
J’utilise une technique qui peut s’apparenter à de la tapisserie : je compose l’image point par point. Le geste fait corps avec un travail archaïque. Consécration de la durée et renouveau d’un rythme intérieur.
Le support est un filet de pêche sur lequel je noue, d’une demi-clé à chaque intersection, des bandes de tissus en toile de spi.
Au préalable, je réalise un canevas obtenu par la compression numérique d’une photo que je mets en scène.
La particularité de cette image tissée est sa visibilité des deux côtés. Il n’y a pas d’envers mais une matière différente : d’un côté la trame des points (les nœuds), et de l’autre, les rubans formant l’image, comme une peinture à grands traits de pinceaux.
Je considère la fin d’un tissage quand je l’installe en pleine nature . Il faut un certain recul pour le découvrir dans son ensemble. Chaque tableau est installé dans un lieu particulier, et puis il est photographié.
La rencontre, l’entrecroisement, l’interaction du tableau et du site trouvent leur aboutissement dans l’espace du paysage.
J’aime la peinture et je peins. Je continue de peindre quand je fais de la tapisserie : je pénètre dans la peinture des autres, des grands Maîtres.
La pixellisation (px) de l’image donne l’essentiel du trait, comme un haïku
Le sourire de la Joconde est composé de 3 points gris clair et 2 points gris foncé.
Les Yeux du Christ du Greco sont 10 points blancs qui disent la supplique d’un homme à la torture.
Vincent van Gogh et son infinie tristesse dans la pupille tissé par 6 points gris..
Violaine Dejoie-Robin, décembre 2010